Les armées peinent à recruter de nouveaux soldats

 

En 2023 il manquait entre 2000 et 2500 soldats  au sein de l’armée de terre.

Explication en 3 articles sur Boulevard Voltaire, France info et BFMTV

                                                                                  Il manquait, en 2023, 2.500 soldats dans l’armée de terre, dont on apprend au passage qu’elle est le premier recruteur de France. Cette information n’est pas confidentielle : c’est l’armée elle-même qui en a fait part à France Info, qui consacre un article à cette pénurie de vocations militaires. Le général responsable du recrutement reconnaît que l’année a été « compliquée ». Même son de cloche dans la Marine nationale, apparemment, puisque son responsable des ressources humaines pour l’Île-de-France, le Centre-Val de Loire et les Outremers reconnaît de son côté que le recrutement est un « combat de tous les instants ».

Pourquoi un tel manque d’appétence pour le métier des armes ?

                                 France Info identifie deux causes principales : d’abord, l’armée est en concurrence avec le privé pour des métiers très pointus, comme le cyber, l’informatique, la maintenance ou le nucléaire. Les talents sont fort logiquement attirés par une rémunération intéressante, que le patriotisme ne compense pas toujours. Ensuite – un peu plus inquiétant -, beaucoup des jeunes qui veulent s’engager n’ont tout simplement pas le niveau physique. Une capitaine qui sert à l’école de sous-officiers de Saint-Maixent constate : « Ce sont des niveaux très faibles. Que ce soit sur des choses très basiques comme des pompes, de la course à pied et, après, même la natation ou le grimper de corde. Là où on pourrait se dire que des jeunes qui ont le projet de s’engager dans l’armée se prépareraient physiquement, au moins sur la course à pied et les pompes, on a quelques désillusions. » Résumons-nous : ceux dont nos armées ont besoin ne viennent pas et ceux qui viennent n’ont pas le niveau physique (et on n’a pas encore parlé du niveau intellectuel, que l’article n’aborde pas). Il y aurait de quoi désespérer.

                                  Sauf que… sauf que nos armées, historiquement, sont une émanation de la société, et la jeunesse qui y sert n’est ni meilleure ni pire que celle du dehors. Outre sa mission première (la guerre), l’armée, de terre surtout, a une mission d’éducation évidente, qu’il ne faut pas confondre avec la garderie du SNU, mais qui ne s’est jamais démentie. La France a gagné des guerres terribles et pacifié des théâtres d’opérations très durs, avec une jeunesse sur laquelle les anciens, à l’époque, ne misaient pas un kopeck.

                                  Par ailleurs, nous ne sommes pas encore aussi touchés par la décadence que d’autres pays occidentaux. Décadence physiologique, d’abord : en mars 2020, American Military News rapportait que 77 % des jeunes Américains étaient inaptes à servir dans l’armée à cause d’addictions diverses (drogue et alcool principalement), de surcharge pondérale, de problèmes physiques ou mentaux. Décadence morale, ensuite : seulement 9 % des 16-21 ans aux États-Unis envisageraient de servir leur pays.

                                     Évidemment, ce qui se passe ailleurs ne doit pas nous rassurer à bon compte. Ce n’est pas brillant chez nous, certes. Mais, au fait, n’y aurait-il pas une piste à explorer du côté de la rémunération ? C’est bien ainsi que procèdent les meilleurs groupes du CAC 40 pour débaucher les talents. Prenons une comparaison (presque) innocente. Un contrôleur de la SNCF, recruté à bac+2, gagne environ 2.900 euros bruts en début de carrière pour flasher des billets ; un lieutenant saint-cyrien, recruté sur concours après deux ans de prépa et titulaire d’un bac+5, commence sa carrière à 2.321,49 euros pour commander 20 à 40 hommes et femmes, au quotidien et au combat. Et pourtant, celui des deux qui fait la grève…

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REPORTAGE.

“Pas parce qu’on est en treillis qu’on est inaccessibles” : alors que des milliers de soldats manquent à l’appel, l’armée française mise sur les réseaux sociaux pour recruter

 

 

                 L’armée française peine à recruter : en 2023, il a manqué plus de 2 000 soldats. Alors le plus gros recruteur du pays use de stratégies pour attirer de nouveaux jeunes.

Publié le 14/02/2024

                                              Alors qu’Emmanuel Macron prône le réarmement de la société française, des milliers de soldats manquent à l’appel, notamment dans l’armée de Terre. Pour la première fois en dix ans, en 2023, il a manqué environ 2 500 soldats au plus gros recruteur français. C’est le chef d’état-major lui-même qui a tiré la sonnette d’alarme, en automne dernier.

                                             L’armée de Terre par exemple – en gros 120 000 personnes – doit recruter chaque année entre 15 000 et 16 000 soldats. L’an dernier a été compliqué, reconnaît le général Bruno Louisfer, sous-directeur du pôle recrutement jeunesse de l’armée de Terre : “On a eu un premier semestre très difficile à l’instar de beaucoup de recruteurs, qu’ils soient du privé ou du public. Et puis un deuxième semestre beaucoup plus satisfaisant. Mais le retard pris au premier semestre ne nous a pas permis d’atteindre nos objectifs en 2023.”

“Un combat de tous les instants”

                                    Dans la Marine, l’objectif a été atteint l’an passé mais l’équilibre reste fragile d’après le capitaine de Corvette François Sechet, responsable RH pour l’Île-de-France, le Centre-Val de Loire et les Outremers. “Ce serait mentir que de dire que c’est très facile de recruter 4 200 jeunes par an. C’est un combat de tous les instants, parce que les jeunes que l’on recrute nous, notamment dans la Marine, ce sont des jeunes qu’on va chercher à partir du niveau bac. Ça nécessite de se remettre en question régulièrement, d’être vraiment à l’écoute de la jeunesse française, de leur présenter comment ils peuvent trouver un vrai épanouissement chez nous”, explique le capitaine de Corvette. 

                                 Au moment des attentats de 2015, il y avait eu un pic de jeunes volontaires prêts à s’engager. Mais cet élan est retombé pour en arriver à cette situation inédite. Plusieurs facteurs entraînent cette diminution de l’engagement des jeunes. La tension sur le marché de l’emploi fait que l’armée est en concurrence avec le privé, notamment pour trouver des profils techniques : informatique, cyber, maintenance, nucléaire.

Des capacités physiques trop faibles

                     Autre problème : des jeunes veulent s’engager mais n’ont pas toujours, au départ, les critères physiques requis, à cause de la sédentarité ou du manque de sport. C’est le constat du capitaine Milena, cheffe de section à l’École Nationale des sous-officiers à Saint-Maixent L’École, dans les Deux-Sèvres. “Ce sont des niveaux très faibles. Que ce soit sur des choses très basiques comme des pompes, de la course à pied et après même la natation ou le grimper de corde. Là ou on pourrait se dire que des jeunes qui ont le projet de s’engager dans l’armée se prépareraient physiquement, au moins sur la course à pied et les pompes, on a quelques désillusions”, juge-t-il. 

                     Plus généralement, les militaires constatent des problèmes de santé plus récurrents. “Ça peut être du surpoids, ça peut être un problème de traitement des dents, par exemple. Ce que je constate parfois, ce sont des jeunes qui n’ont pas forcément de médecin de famille. Ça veut dire qu’il n’y a pas eu de suivi médical pendant quelques années, et pour nous ça peut être un critère de blocage dans le processus de recrutement”, déplore François Sechet.

                      Mais l’armée l’assure, pas question de baisser le niveau de sélection des recrues, elle a plutôt adapté ses formations selon le capitaine Milena : “On ne s’attend pas à ce qu’un élève qui arrive avec un niveau très faible demain soit notre meilleur cheval de course, 17 partout et puis des performances dignes d’un athlète semi-professionnel. On leur met des objectifs réguliers, deux-trois pompes en plus, dix secondes de moins à la course à pied, deux-trois mouvements de bras en plus sur les cordes… “

                              “L’objectif n’est pas de dégoûter l’élève en lui disant qu’il est nul. La formation est faite pour être progressive, venez comme vous êtes, tout le monde progresse à son rythme, selon son niveau de départ.”

Pour se préparer en amont, l’armée conseille aux jeunes de s’entraîner avec des tutos de coaching sport qui sont envoyés pour les préparations.

 

L’armée présente sur les réseaux sociaux

                            Les militaires se fixent toujours cet objectif : 6 000 postes doivent être créés d’ici à 2030. Pour y parvenir, l’armée investit plus d’argent dans les méthodes de recrutement, avec notamment une présence massive sur les réseaux sociaux ou le recours à des influenceurs pour promouvoir les métiers et le matériel de guerre. “C’est aussi une façon de montrer à notre public qu’on est accessibles. Ce n’est pas parce qu’on est en treillis qu’on est inaccessibles, explique le général Bruno Louisfert.  Les jeunes que nous avons sont des jeunes de leur époque. Donc ils vivent avec TikTok, Instagram, dans nos rangs. Ça permet de donner l’idée aux jeunes de se dire : ‘ah mais je ne pensais pas à ça, je croyais que ce n’était pas fait pour moi, il faudrait quand même que je me renseigne.’ Après il faut aussi démystifier les choses, tout le monde n’a pas vocation à être commando parachutiste, il y a beaucoup d’autres métiers dans l’armée de Terre.”

                        Attirer les jeunes en étant honnête sur la réalité du terrain, la disponibilité demandée et les contraintes : c’est l’enjeu des campagnes de recrutement de l’armée de Terre, dont la prochaine aura lieu en septembre prochain. Car l’armée veut recruter mais surtout fidéliser. Aujourd’hui, une recrue sur trois ne va pas au bout de la formation.

“PAS ENVIE DE M’ENGAGER POUR MOURIR”, “FLEMMARD”: L’ARMÉE FRANÇAISE PEINE À RECRUTER

Vincent Chevalier avec Guillaume Dussourt  le 19/01/24

                               Depuis plusieurs mois, l’armée française peine à recruter. En 2023, elle n’a pas atteint ses objectifs d’engagement. Il manquerait ainsi 2.000 recrues au sein de l’armée de Terre.

                               Emmanuel Macron est attendu à Cherbourg (Manche) ce vendredi, où il doit présenter ses vœux aux armées. Le président de la République doit réaffirmer le soutien de la France à l’Ukraine et espère susciter des vocations, alors que l’armée peine à recruter.

                                 C’est ce qu’a pu constater RMC devant un lycée lyonnais où certains jeunes ignorent encore ce qu’ils veulent faire mais sont sûrs d’une chose, ils ne comptent pas s’engager. “Je trouve ça dangereux et je compte sur les autres”, avoue une lycéenne. “Je n’ai pas envie de m’engager pour mourir”, confie un lycéen. “Je suis un gros flemmard” reconnaît un autre.

                   Un problème avec le mode de vie dans les armées. Certains se sentent aussi moins concernés par les guerres actuelles: “Il y a beaucoup moins de conflits qu’avant, quand il y avait beaucoup de soldats qui partaient même pour des conflits qui ne concernaient pas la France”, croit savoir un lycéen.

            D’autres pourraient se laisser tenter, comme Alicia. Mais elle préfère d’abord essayer d’être pompier: “Je préfère sauver les gens et si je n’y arrive pas, peut-être que j’irai dans l’armée plus tard”.

DES CRITÈRES PHYSIQUES INATTEIGNABLES POUR LES JEUNES D’AUJOURD’HUI?

Un intérêt en berne dont a bien conscience l’armée de terre. L’année dernière, il manquait 2.000 recrues pour atteindre ses objectifs, une première en dix ans. “C’est ennuyeux mais ce n’est pas grave”, défend le général Bruno Louisfert, responsable du recrutement au pôle jeunesse. “On a eu une période janvier-mai 2023 extrêmement difficile et pénalisante, mais à partir du mois de juin, on a vu les choses s’améliorer et elles n’ont cessé de s’améliorer jusqu’à aujourd’hui”, assure-t-il.

“Effectivement depuis un an ou deux, l’armée de terre n’arrive plus à recruter mais les autres armées sont concernées aussi”, assure Jean-Dominique Merchet, journaliste à L’Opinion et spécialiste des questions de défense, dans Apolline Matin. “Il est possible que la guerre en Ukraine ait inquiété les familles”, analyse-t-il. “Il y a aussi l’évolution de la jeunesse française avec des jeunes qui ne peuvent pas s’engager parce que leurs critères physiques sont inférieurs aux critères de l’armée”, ajoute Jean-Dominique Merchet.

Dans les prochains mois, l’armée entend multiplier les rencontres avec les jeunes pour susciter les vocations. Les filles, surtout, encore trop peu présentes dans les rangs.

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