Serre les dents

Cheffe de la division des affaires non élucidées (Diane) au sein de la gendarmerie nationale, Marie-Laure Brunel-Dupin signe un deuxième polar, inspiré de sa carrière

Un article de TV5 MONDE

Profession profileuse : “un devoir de justice” pour Marie-Laure Brunel-Dupin

 

Se frayer un chemin dans l’univers masculin de la gendarmerie jusqu’aux plus hauts grades, y développer un tout nouveau métier, celui d’analyste comportemental, et inspirer des polars réalistes : la vie de Marie-Laure Brunel-Dupin est un roman, deux romans même, écrits par la journaliste Valérie Péronnet. Terriennes a rencontré le tandem.

LE  25 AVR. 2024 À 07H59 (TU) Par  Terriennes  Liliane Charrier

Marie-Laure Brunel Dupin, lieutenante-colonelle de gendarmerie (à gauche) et Valérie Péronnet, journaliste et autrice.  ©Astrid di Crollalanza

 

Pour comprendre la “vraie vie” d’une profileuse, il faut lire les enquêtes de Mina Lacan : ce personnage, sous couvert de fiction, raconte la carrière de Marie-Laure Brunel-Dupin, lieutenante-colonelle de gendarmerie et pionnière en France de la criminopsychologie.

Mina n’est pas tout à fait moi et je ne suis pas tout à fait elle, nuance Marie-Laure Brunel-Dupin. On a gardé des traits communs de nos personnalités, mais elle est un personnage de fiction, de roman. Les livres ne sont pas autobiographiques, même si beaucoup de choses sont proches de ma réalité. Reste qu’il est vrai qu’avec une expérience comme la mienne sur les enquêtes criminelles, je ne lis pas beaucoup de polars puisque ma vie professionnelle en est déjà très proche,” précise la profileuse, qui préfère le terme d'”analyste comportementale” pour décrire son métier.

Je n’ai pas voulu faire un polar féministe, juste suivre un personnage formidable.  Valérie Peronnet, autrice

“On”, c’est le tandem qu’elle forme avec la journaliste Valérie Peronnet pour passer des procès verbaux au récit romanesque. Les fictions qu’elles bâtissent ensemble lui permettent d’expliquer et de “démystifier” le métier sans déroger au devoir de réserve. L’autrice qui donne vie au personnage romanesque de Mina dans Avant que ça commence, puis Serrer les dents précise : “Je n’ai pas voulu faire un polar féministe, juste suivre un personnage formidable” .

Devoir de justice

Comme Mina, Marie-Laure Brunel-Dupin a su très jeune “ce qu’elle voulait devenir plus tard” : comme l’héroïne du roman, Mina, Marie-Laure Brunel-Dupin rêvait, adolescente, de “dégommer les méchants“. Son choix de carrière était donc tout sauf un choix par défaut, insiste-t-elle :  “C’est une envie de participer à un devoir de justice qui m’animait déjà quand j’étais adolescente. Ensuite c’est en lisant un roman que j’ai découvert que le métier de profileur existait aux Etats-Unis, explique-t-elle.

Quand j’ai découvert que c’était un vrai métier, je me suis dit qu’il n’était pas possible qu’en France, il n’existe pas. Il fallait que ce soit moi !  Marie-Laure Brunel-Dupin

Ce roman n’est autre que le Silence des Agneaux, thriller américain où Clarice Starling, jeune analyste du FBI, affronte Hannibal Lecter, un tueur en série psychopathe. “J’y ai découvert un pan du profilage qui reste, certes, très loin de la réalité, mais l’idée de mettre de la psychologie dans l’enquête m’a interpellée. Apprendre à comprendre pour mieux résoudre.” De là, Marie-Laure s’est renseignée sur ce qui existait vraiment aux Etats-Unis, avide de faire la différence entre la réalité du terrain et la fiction du roman. “J’ai découvert que c’était le métier d’agents du FBI, non pas frais émoulus de l’Académie, comme dans le roman, mais d’enquêteurs chevronnés,” se souvient-elle. Alors elle dévore les aventures d’anciens profileurs du FBI, comme John Douglas. “Quand j’ai découvert que c’était un vrai métier, je me suis dit qu’il n’était pas possible qu’en France, il n’existe pas. Il fallait que ce soit moi !

Une formation “à la carte”

Avec la rigueur et l’obstination qui font sa force, l’analyste comportementale s’est forgée un cursus “à la carte” : sept ans d’études, avec maîtrise de droit, certificat de sciences criminelles de l’université d’Assas, diplôme universitaire de criminologie appliquée à l’expertise mentale…

Le métier était si peu connu que quand j’ai demandé un prêt étudiant, le banquier croyait que je voulais devenir physionomiste de boîte de nuit.  Marie-Laure Brunel-Dupin

Je me suis débrouillée toute seule dans mon parcours préprofessionnel, mais le métier était si peu connu que quand j’ai demandé un prêt étudiant, le banquier croyait que je voulais devenir physionomiste de boîte de nuit“, plaisante-t-elle.

A l’université, elle a notamment suivi les enseignements de la criminologue Lygia Négrier-Dormont, à qui elle doit “le courage d’y aller“, dit-elle aujourd’hui. “Cette femme remarquable fut l’une des premières à aborder la psychocriminologie. Elle a beaucoup écrit sur les tueurs en série et était aux prémices de la criminologie opérationnelle. Elle était très inspirante pour moi dès la fac.”

Avant que ça commence 

La vie professionnelle de Marie-Laure Brunel-Dupin est ensuite jalonnée de “belles rencontres avec des personnes qui m’ont portée, aidée, soutenue, encouragéeJ’ai croisé beaucoup d’enquêteurs positifs, mais aussi des moins positifs, voire entravants – c’est aussi une réalité.” Inspiré de ses débuts, Avant que tout commence raconte les premiers pas de la jeune recrue sous la férule d’un général autoritaire et sexiste, les codes rigides d’un corps très masculin, la boule de cristal posée sur son bureau…

Avec ce côté, “bien mignonne”, j’arrivais à ouvrir des portes, et puis une fois dans la place, la capacité professionnelle prend le dessus.  Marie-Laure Brunel-Dupin 

Marie-Laure Brunel-Dupin est entrée très jeune dans la gendarmerie, à une époque où les quelques femmes qui en faisaient partie étaient reléguées à des postes mineurs. “Elle a tout de suite été confrontée à des supérieurs qui n’avaient pas envie qu’elle soit là, témoigne Valérie Perdonnet, l’autrice qui raconte les aventures de Marie-Laure, alias Mina Lacan. “Elle leur a tenu tête, mais avec assez d’intelligence pour ne pas se faire virer. Aujourd’hui encore, elle ne dit pas que son travail rend celui des autres obsolètes, mais qu’il permet aux autres de mieux travailler.” 

Pour décrire son héroïne inspirée de Marie-Laure Brunel-Dupin, la romancière dit avoir plus besoin d’en enlever que d’en rajouter : “Elle est brillante, têtue, obstinée. Elle est d’une solidité, d’une volonté et d’une détermination impressionnantesSa rigueur est aussi impressionnante. Elle fait des tableaux précis, elle procède par ordre, par élimination. Elle est câblée de manière à faire ce travail avec brio.”

Dans les romans, ces qualités frisent parfois l’obsession “borderline”, ce qui a le don d’agacer les supérieurs de Mina Lacan. Mais ces défauts peuvent aussi devenir superqualités professionnelles. Marie-Laure Brunel-Dupin, elle non plus, ne lâche rien, jamais : “Son boulot, c’est de résoudre des affaires criminelles abominables qui mettent les victimes dans des situations épouvantables. Cela non plus, elle ne l’a pas lâché“, note Valérie Péronnet.

 

Des avantages d’être une femme

Dans l’enquête judiciaire et dans le monde des enquêteurs, il y a vingt ans, Marie-Laure se souvient qu’elles n’étaient qu’une poignée de femmes. Mais dans ce monde parfois “macho”, être une femme pouvait aussi être un atout : “Avec ce côté, “bien mignonne”, j’arrivais à ouvrir des portes, et puis une fois dans la place, la capacité professionnelle prend le dessus. Il était intéressant pour moi d’attirer l’attention, la curiosité, une écoute bienveillante, même si parfois un peu dubitative, et de déjouer la méfiance. Je pense qu’il aurait été bien plus difficile pour moi si j’avais été un jeune homme de 26 ans de me faire une place, car j’aurais pu être un concurrent pour ces hommes, heurter leur ego, et peut-être que les portes ne se seraient pas ouvertes si nombreuses. En revanche, je n’aurais pas eu besoin tous les jours de prouver que je valais d’être là.” 

Pétroleuse

Avant que ça commence raconte comment Marie-Laure Brunel-Dupin a réussi à faire son trou dans la gendarmerie, un univers, à l’époque, très masculin, et contre l’avis de son supérieur. Valérie Perdonnet résume la situation, alors que la jeune recrue vient de découvrir sa vocation : “Elle se rend compte que le profilage n’existe pas en France, alors elle fait elle-même sa formation – crimino, droit criminelle, psycho… Et quand elle se sent prête, elle écrit directement au directeur national de la gendarmerie, qui l’embauche tellement il la trouve culottée.”

Sa première enquête a été clandestine, car son supérieur lui avait interdit de travailler sur ce dossier.  Valérie Perdonnet

La jeune femme se retrouve alors dans un bureau avec un supérieur “qui ne l’avait pas choisie, à qui elle a été imposée, et qui n’a eu de cesse de la rabaisser, l’humilier et l’empêcher de faire ce qu’elle était venue faire, raconte l’autrice. Sa première enquête a été clandestine, car son supérieur lui avait interdit de travailler sur ce dossier. C’était quitte ou double, car si elle se faisait prendre, c’en était fini de sa carrière. Sa seule issue était de résoudre l’enquête pour demander qu’on la laisse en suivre d’autres.

Avant que ça commence est un livre de pétroleuse, poursuit Valérie Peronnet. Marie-Laure est une pétroleuse. “Je n’ai pas eu besoin d’inventer grand-chose pour créer Mina : l’histoire de Marie-Laure, sa carrière, sont très romanesques“, dit cette journaliste de métier. Bien sûr, le récit publié chez Black Lab ne dit pas tout, “ce n’est pas un mode d’emploi permettant aux criminels de déjouer le travail des enquêteurs“.

Avant que ça commence, la première enquête d’une série consacrée à la carrière et à la progression de Marie-Laure Brunel-Dupin, alias Mina Lacan, qui révèle aussi l’évolution de la place des femmes dans la gendarmerie et dans la société française.

Rétablir la réalité

Ce qu’on avait envie de raconter, c’est la vraie vie et les vrais crimes… Montrer ce qu’est ce métier pour de vrai“, explique Marie-Laure Brunel-Dupin, qui a endossé l’uniforme il y a vingt-deux ans. Dans les livres comme dans la vie, le but est de “décortiquer les étapes du crime“, relever les “traces psychologiques” laissées par les meurtriers, reconstruire le scénario du passage à l’acte, comprendre le fonctionnement mental pour mieux “profiler” les suspects, explique la lieutenante-colonelle.

Marie-Laure Brunel-Dupin veut en particulier rétablir la réalité face aux clichés véhiculés par les séries sur le métier d’analyste comportementale. “La série la plus proche de la réalité du métier aux Etats-Unis, il y a quarante ans, reste Mind Hunter. La série contemporaine qui montre le mieux le travail d’équipe que je trouve si intéressant et que l’on voit rarement illustrée dans les séries françaises, c’est Esprits criminels. Mais là encore, la réalité est galvaudée, même celle du FBI que je connais bien puisque je travaille avec eux. Aujourd’hui, je ne connais pas de série qui soit proche de ma réalité.”

Cette femme a énormément fait progresser la cause des femmes dans la gendarmerie.  Valérie Perdonnet

Au-delà du travail d’analyse comportementale, Marie-Laure Brunel-Dupin voudrait, grâce à la fiction, démystifier le personnage du profileur tel qu’il est dépeint dans les séries et la littératureSa réalité est bien loin du “truc ésotérique magique”, des “visions” ou “intuitions” que le grand public lui prête volontiers. “Je n’aime pas trop l’image qu’on lui donne, surtout si c’est une jeune femme : un peu folle, qui arrive sur une scène de crime en parlant au tueur dans sa tête, voire tout haut, qui a des flashes, des visions. J’avais envie de dire la vérité sur ce métier que je trouve prenant et passionnant.” 

Profileur ou profileuse ?

Le fait est qu’aujourd’hui, beaucoup de profilers sont en réalité des profileuses. L’autrice Valérie Péronnet l’explique par les traits de caractère requis par le métier : “Il faut une qualité d’écoute et d’attention à son environnement particulière pour être profileur. Culturellement les femmes apprennent à écouter, à s’adapter à celui qui parle et à essayer de le comprendre, ce qui n’a pas forcément fait partie de l’éducation prodiguée aux garçons pendant longtemps.” 

Pour faire carrière dans le profilage, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. “La sélection est sévère et très peu d’hommes la passe, notamment la sélection psychologique, remarque Valérie Péronnet, ancienne journaliste à Psychologies Magazine. Le parcours préalable à la professionnalisation pèse aussi dans la balance, puisque la formation implique un volet psychologique et que, “en psychologie, il n’y a presque que des femmes“.

DiANE

A 12 ans, Marie-Laure Brunel-Dupin voulait dégommer les méchants. Une fois adoubée dans la gendarmerie, elle pilote une petite unité, le laboratoire de ce qui deviendra ensuite le département des sciences du comportement, aujourd’hui intégré dans la division des Affaires non élucidées (DiANE). A 47 ans, Marie-Laure Brunel-Dupin dirige cette unité spécialisée qu’elle a créée en 2020 au sein du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale. “Cette femme a énormément fait progresser la cause des femmes dans la gendarmerie, une institution majeure de notre société. Elle ne fait pas la révolution, elle est, comme moi, une féministe à bas bruit, constate Valérie Péronnet. Trouver des slogans, aller dans les manifs, tout cela est absolument nécessaire, mais ce n’est pas là que nous sommes.”

Il y a vingt-cinq ans, elle était toute seule, aujourd’hui elle dirige plus de vingt personnes.  Valérie Péronnet

Avec une efficacité redoutable, la profileuse a créé un métier qui n’existait pas, mais qui était impérativement nécessaire, insiste l’autrice : “Elle l’a fait avancer, et ce faisant, elle a fait avancer la place des femmes dans cette vieille institution qu’est la gendarmerie et qui, comme toutes les institutions, a bénéfice à faire une place aux femmes.  Il y a vingt-cinq ans, elle était toute seule, aujourd’hui elle dirige toute une équipe, ce qui coûte cher. Si ce n’était pas efficace, l’argent serait placé ailleurs,” constate valérie Perdonnet.

Aujourd’hui, Marie-Laure Brunel-Dupin espère être le modèle qu’elle aurait souhaité avoir : “Je commande aujourd’hui une division de 23 personnes, dont la moitié sont des femmes, et j’essaie d’être un modèle souple et bienveillant, juste mais ferme. Elle se félicite de susciter des vocations et d’être une source d’inspiration pour les plus jeunes. “Beaucoup ont voulu rejoindre mon équipe parce que c’était moi et que j’avais porté le sujet longtemps et avec beaucoup d’énergie. Je prends beaucoup d’étudiantes stagiaires chaque année, et reste en lien avec elles. Parce que j’ai envie de partager, de donner, il semble que j’en ai inspiré pas mal, et pas que des jeunes femmes, qui espèrent arriver là où j’en suis.”

 

Présenté au récent festival “quais du Polar” à Lyon, Serrer les dents détaille les méthodes de profilage de l’enquêtrice Mina Lacan, les relevés “carrés et scientifiques” sur une scène de crime, ses conseils pour pousser un suspect à l’aveu, et les réactions de ses collègues – intérêt, curiosité, suspicion, condescendance ou mépris.

 

Le sexisme : un sujet sérieux

En vingt ans de carrière, Marie-Laure Brunel-Dupin a vu le contexte changer pour les femmes dans la gendarmerie, qui reste un monde masculin, même si elle s’est beaucoup féminisée dans certains postes : “Aujourd’hui, je sens une grande différence sur ce plan-là, même si je rencontre encore plusieurs fois par jour des situations où je me dis que ‘le féminin a toute son importance’, comme le formule Mina dans le roman. Mais ce n’est pas une généralité, c’est incarné par un certain nombre de personnes. Il y en avait beaucoup plus à mes débuts, il y a une vingtaine d’années, à l’époque du premier tome des aventures de Mina.”

Les petites phrases sexistes, Marie-Laure Brunel-Dupin en entend encore de temps en temps, mais elle sent les femmes aujourd’hui bien mieux armées et soutenues pour ne pas leur laisser prendre d’importance. La gendarmerie prend le sujet très au sérieux et fait attention à ses militaires femmes. “Il y a vingt ans, nous n’avions pas d’organisme pour nous soutenir dans les situations de sexisme. Aujourd’hui, il y en a, et ils sont très influents, ce qui limite beaucoup la marge de micro-agression verbale.” Car si le sexisme a beaucoup diminué, ce n’est pas fini, insiste-t-elle.

Aujourd’hui, les femmes osent sans difficulté se faire entendre lorsqu’elles subissent des propos ou des gestes non voulus.    Marie-Laure Brunel-Dupin

Il existe de nombreuses voies pour faire cesser des agissements dont les femmes sont témoins, et à plus forte raison victimes, dans la gendarmerie. “La direction générale a un bureau qui encadre des référents égalité-diversité qui sont partout en gendarmerie, explique Marie-Laure Brunel-Dupin. Ce sont des femmes et des hommes qui organisent des réunions de sensibilisation sur la différence et la discrimination, des séminaires systématiques pour aider les militaires à comprendre la différence entre la blague et le dépassement. Ces référents sont à l’écoute en cas de situation compliquée et, si le différent se cristallise, ils mettent en place une structure de discussion et de déconfliction.”

Les femmes sont protégées, même s’il est difficile de savoir si elles utilisent systématiquement cette protection, mais cela aussi a progressé, selon Marie-Laure Brunel-Dupin : “Il y a vingt ou trente ans, les femmes, en général, n’osaient pas se manifester. Aujourd’hui, elles osent sans difficulté se faire entendre lorsqu’elles subissent des propos ou des gestes non voulus.” Et si un militaire a poussé les limites au-delà du raisonnable et de ce qui peut être traité en réunion ou en séance de déconfliction, il risque une sanction sévère.

La gendarmerie se féminise

Dans Serrer les dents, Mina s’exaspère d’être appelée “mon” lieutenant : “On ne dit
jamais “mon” à une femme ; seulement son grade”, peste-t-elle. La lieutenante-colonelle Brunel-Dupin, elle, se montre plus indulgente sur la féminisation des titres : “Le problème, c’est que l’on dit tellement de fois par jour “mon”, que cela est davantage un réflexe, qu’une volonté de ne pas reconnaître que l’on s’adresse à une femme. Il m’est aussi arrivé de dire “mon” à une femme, par oubli.”

Aujourd’hui que les gendarmes sont habitués à voir plus de femmes, “mon” disparaît peu à peu quand on s’adresse à une femme, constate-t-elle pourtant : “Pour les plus jeunes, il est bien plus naturel de dire “lieutenante” au lieu de “mon lieutenant“. Elle estime avoir sa reconnaissance de femme sans que mon grade soit forcément féminisé : “Ne pas entendre ‘mon’ me suffit. D’autant que je suis maintenant colonelle, et que le féminin ne s’entend pas forcément.”

Dans la gendarmerie, ajoute l’analyste comportementale, les salaires sont parfaitement égaux entre les hommes et les femmes de même grade et de même ancienneté, ce qui est assez rare et très moderne, à mon sens.” Voilà qui contribue à donner aux femmes toute leur place dans cette institution, où les générales sont jeunes, où beaucoup d’autres s’apprêtent à leur succéder et dont la porte-parole est une femme. Pour Marie-Laure Brunel-Dupin, “La vieille dame qu’est la gendarmerie, n’est peut-être pas si vieille. Bien sûr nous n’avons pas gagné partout, mais je pense que la nature humaine, la jalousie sur certaines fonctions, certains postes, joue beaucoup plus que le sexisme”.

L’uniforme aussi s’est adapté à la féminisation des recrues : “Nous avons maintenant nos tailles, notre boutonnage, nos coupes et nos longueur de jupes, explique-t-elle. Longtemps, les jupes sont restées standard : cela donnait une jupe courte sur une grande et une jupe longue sur une petite. Aujourd’hui, il y a plusieurs longueurs disponibles et les jupes peuvent être toutes de la même longueur dans les rangs !

 

Tueur ou tueuse ?

Il n’existe pas de signature spécifiquement féminine sur une scène de crime. C’est un faisceau d’éléments qui permet de conclure que le coupable serait plutôt une femme ou un homme, souligne Marie-Laure Brunel-Dupin. Le type d’arme, oui, mais pas seulement. “Les femmes vont moins facilement à l’affrontement, au corps à corps, parce qu’elles n’en ont pas la force. Tuer au couteau ou à l’arme à feu demande un engagement physique et corporel, et comporte le risque de se faire désarmer et que les choses tournent mal.” S’il n’existe pas de statistiques sur le sujet et que rien n’est jamais systématique, la profileuse avance que “la résistance d’une femme est plus dans la passivité“.

C’est parce que rien n’est parfait qu’on peut parvenir à résoudre les crimes : les tueurs ne sont pas des surhommes supérieurement intelligents.  Marie-Laure Brunel-Dupin

Face à l’atrocité des actes sur lesquels elle est amenée à intervenir, la lieutenante-colonelle admet ressentir, comme son alter ego romanesque Mina, un sentiment “d’horreur“, des émotions qui “parfois dévorent“. Mais “ça vaut les coups encaissés” de “participer à la justice, de mettre hors d’état de nuire les tueurs et de répondre aux victimes… C’est parce que rien n’est parfait qu’on peut parvenir à résoudre les crimes : les tueurs ne sont pas des surhommes supérieurement intelligents“.

Profession profileuse : ‘un devoir de justice’ pour Marie-Laure Brunel-Dupin | TV5MONDE – Informations

 

Un article de Actu.fr Ile de france - Pontoise

Deuxième roman pour Marie-Laure Brunel-Dupin, la première profileuse de France

Cheffe de la division des affaires non élucidées (Diane) au sein de la gendarmerie nationale, Marie-Laure Brunel-Dupin signe un deuxième polar, inspiré de sa carrière.

Marie-Laure Brunel-Dupin signe le deuxième tome d’un roman policier calqué sur son quotidien de gendarme. ©Fabrice Cahen

Par Fabrice CahenPublié le 24 Avr 24 à 6:36

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Lorsqu’elle évoque son métier, la lieutenant-colonel de gendarmerie Marie-Laure Brunel-Dupin n’emploie pas d’anglicisme.

Jamais de « profiler » ni de « cold case ». En adepte de la langue française, elle préfère analyste comportementale et affaire non élucidée.

Pourtant, c’est le thriller américain, Le Silence des Agneaux, qui a impulsé son choix professionnel.

Telle Clarice Starling, la jeune analyste du FBI qui affronte Hannibal Lecter, un psychopathe, serial killer (tueur en série), l’enquêtrice française contribue à élucider des affaires, en dressant le profil psychologique d’un criminel.

On la présente ainsi, comme la première « profileuse » de France. Il y a vingt-trois ans, elle a créé le département des sciences du comportement, au fort de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

« Certains se demandaient ce que la psychologie venait faire dans une enquête », se remémore Marie-Laure Brunel-Dupin.

Depuis, elle a prouvé son utilité. À son tour, elle a formé cinq analystes comportementaux.

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Elle est désormais à la tête d’une équipe de gendarmes, qui appuient toutes les sections de recherches de France.

L’audace

Son histoire est partie d’une démarche audacieuse, lorsqu’à 21 ans, elle envoie une lettre au directeur de la gendarmerie en lui affirmant : « qu’il aurait besoin de ses services, mais qu’il ne le sait pas encore ».

Sa pertinence tombe au moment où la gendarmerie cherche un moyen de faire face au phénomène des tueurs en série, depuis l’arrestation de Patrice Alègre.

Les renseignements pris aux États-Unis et au Canada décident ses responsables à se munir de profileurs. Marie-Laure Brunel-Dupin, qui s’est forgé une vocation pour ce métier dès 19 ans, est diplômée en droit pénal et en criminologie. Elle fait l’affaire.

À lire aussi

Devenue analyste comportementale de la gendarmerie, elle dirige la Diane (division des affaires non élucidées) au Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale.

Un département qu’elle a aussi lancé au sein de l’Ircgn (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) à Pontoise (Val-d’Oise).

Certains se demandaient ce que la psychologie venait faire dans une enquête

Son parcours a d’ailleurs commencé dans le Val-d’Oise, à l’université de Cergy-Pontoise, par des études de droit, avant de passer par diverses facultés, bien décidée à se créer un cv spécialisé en criminologie. Une branche qui n’existait pas encore.

« Il n’y avait pas de filière de criminologie », se souvient-elle.

On est alors aux origines de l’analyse comportementale dans le milieu judiciaire.

Elle suit des études de psychologie, de criminologie appliquée à l’expertise mentale, un peu de médecine légale aussi et même une spécialisation auprès d’un enseignant américain sur le concept des crimes en série.

« Les Américains avaient déjà engagé un travail dans ce domaine », rappelle Marie-Laure Brunel-Dupin.

« Des enquêteurs du FBI s’étaient intéressés au parcours de tueurs en série », souligne-t-elle. La série Mindhunter, visible sur Netflix, est assez proche de la réalité des deux agents à l’origine de l’analyse comportementale, qui a fait école dans le reste du monde.

Partir de la scène d’un crime, sans en connaître son auteur, c’est le quotidien des analystes comportementaux.

Le rôle de Marie-Laure Brunel-Dupin et de son équipe est d’orienter l’enquêteur vers une suggestion d’investigation, depuis la garde à vue jusqu’à la cour d’assises.

« Nous ne sommes pas sur des intuitions d’enquêteurs. Il n’y a pas d’inspecteur Columbo. On retient des éléments objectifs et des traces de comportement que l’auteur a laissées sur une scène de crime », rapporte l’experte.

Tome II

Soucieuse de déconstruire certains clichés sur les criminels et souvent agacée par les approximations que l’on peut lire dans la littérature policière, Marie-Laure a eu envie de se lancer dans la littérature à travers un roman, en écrivant pour raconter son métier, au plus près de la réalité.

Au plus près de son quotidien. « Parce que ma vie est une succession de polars », estime l’autrice. Son roman se déroule ainsi dans le milieu de la gendarmerie.

Ma vie est une succession de polars

Après le premier tome Avant que ça commence, Marie-Laure vient de sortir Serrer les dents, suite d’une série dans laquelle le lecteur se plonge dans les techniques et le savoir-faire des spécialistes du comportement, de leur rôle dans les enquêtes criminelles et de leurs méthodes pour analyser et « coincer » les criminels.

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