Patrice FAURE directeur de cabinet du Président de la République

Patrice Faure À 56 ans, cet ex-militaire de carrière accède à l’une des fonctions les plus éminentes de l’État: directeur de cabinet du président de la République.

«Quand le chef de l’État fait appel à vous, vous ne réfléchissez pas ; vous acceptez, en déployant toute votre énergie pour vous montrer à la hauteur de la tâche», souligne Patrice Faure (ici en août 2019, alors préfet du Morbihan)

«Quand le chef de l’État fait appel à vous, vous ne réfléchissez pas ; vous acceptez, en déployant toute votre énergie pour vous montrer à la hauteur de la tâche», souligne Patrice Faure (ici en août 2019, alors préfet du Morbihan).

PORTRAIT – À 56 ans, cet ex-militaire de carrière accède à l’une des fonctions les plus éminentes de l’État: directeur de cabinet du président de la République.

De la DGSE à l’Outre-mer, Patrice Faure, nouveau préfet-soldat de Macron

 

«Rappelez-vous qu’il faut savoir regarder vers le bas. Si vous ne regardez qu’en haut et que votre chef en fait de même, jamais il ne vous verra.»

 

Cette harangue de l’un de ses anciens chefs de corps, Patrice Faure en fait volontiers sa maxime. À 56 ans, cet ex-militaire de carrière devenu préfet, après un passage par la DGSE, le service d’espionnage français, accède à l’une des fonctions les plus éminentes de l’État: directeur de cabinet du président de la République. Un poste qui ne se réclame pas.

«Quand le chef de l’État fait appel à vous, vous ne réfléchissez pas ; vous acceptez, en déployant toute votre énergie pour vous montrer à la hauteur de la tâche», confie-t-il.

Sa rencontre avec Emmanuel Macron remonte à octobre 2017. L’hôte de l’Élysée effectue alors un déplacement compliqué en Guyane, quelques mois seulement après le déclenchement d’un vaste mouvement social. Et Patrice Faure, fraîchement nommé préfet de ce département lointain, l’accueille par une tirade toute chiraquienne:

«Le problème de l’administration française, c’est qu’il y a plus de slips en dotations que de paires de couilles!» Un langage hardi qui séduit d’emblée le président.

Une liberté de ton

La franchise, l’audace, c’est précisément ce que l’on attend aujourd’hui en haut lieu du préfet Faure. «Il applique avec courage – et non sans risque – la règle numéro un pour un préfet: le devoir d’information des autorités supérieures, surtout sur ce qui ne va pas ; ce qui n’est pas toujours agréable à entendre pour lesdites autorités… Courageux donc», le qualifie un homme du sérail qui le voit déjà à l’œuvre.

Patrice Faure n’aura pas à forcer sa nature: il cultive une liberté de ton qui lui vient sans doute du temps où il défendait le drapeau. Il a d’abord servi, à la fin des années 1980, dans ce que l’on appelait jadis «la Coloniale», au 9 RAMa (régiment d’artillerie de marine), alors basé en Allemagne, à Trèves (avant sa dissolution en 1992). Il est passé par la rude école de Saint-Maixent, celle des sous-officiers, avant d’intégrer l’exigeante École militaire interarmes (Emia), qui forme les chefs par la filière interne. Un solide parcours dont il peut être fier. «J’ai profité pleinement de l’ascenseur social», estime ce pur produit de la méritocratie qui avait en poche, au départ, un CAP de pâtisserie. Ses études furent ensuite couronnées par une maîtrise en histoire et en mathématiques.

Drômois né à Crest, marié à une Saint-Cyrienne, entrée elle aussi dans la carrière préfectorale, et père de six enfants, Patrice Faure a épousé l’État comme on entre en religion. Sa carrière l’aura conduit à occuper successivement vingt-huit postes de toute nature. Avec un tropisme certain pour le service en outre-mer.

Je connais bien Patrice Faure : efficace, pragmatique, rigoureux, sérieux à la tâche, mais qui ne se prend pas au sérieux; très bon choix

 

Le voici donc promu en remplacement de Patrick Strzoda, 71 ans, qui dirigeait le cabinet d’Emmanuel Macron depuis son élection à la magistrature suprême en 2017. Le préfet Strzoda continuera cependant à servir le président, quelques mois encore, comme chargé de mission sur certains sujets sensibles, le dossier Corse et les mouvements préfectoraux notamment. Le temps d’«accompagner» la mise en place de son successeur, qui sera placé sous la coupe du tout-puissant secrétaire général de l’Élysée, lui aussi présent depuis le début de l’aventure marconienne.

Patrice Faure est précédé par sa réputation au sein du corps préfectoral. 

«Connu dans la corporation pour être un bon camarade, ce qui est rare», lâche un préfet de région très en vue. «Je le connais bien: efficace, pragmatique, rigoureux, sérieux à la tâche, mais qui ne se prend pas au sérieux ; très bon choix», glisse un préfet de sa génération.

«Le vrai sujet est celui de son portefeuille ; il faudra qu’il se fasse sa place», croit deviner un autre grand commis.

Éthique et expérience, ses meilleurs alliés

Patrice Faure ne parle jamais de son action passée au sein des forces spéciales, c’est la règle. Mais cette vie secrète lui aura finalement servi de tremplin. En 2005, le poste de chef du cabinet militaire du ministre des Outre-mer, dévolu par tradition à un membre de la DGSE, lui échoit. Et c’est la première rencontre avec les politiques: Brigitte Girardin, puis François Baroin. Il tente alors la préfectorale par la voie du recrutement sur dossier et grand oral, ouverte aux militaires. Deux places par an tout au plus. Sélectionné, il fait ses classes dans ce nouveau métier, où il démarre en 2006 comme directeur de cabinet du préfet de Mayotte. «À l’époque, se souvient-il, le sujet migratoire faisait déjà partie de l’équation. On refoulait 23.000 migrants par an dans l’archipel» où l’administration était en construction. Un jour de naufrage mortel d’un kwassa-kwassa, ces barques locales utilisées par les passeurs, il fallut improviser une salle de crise au sein même du bloc opératoire de l’hôpital de Mamoudzou. Patrice Faure abhorre l’inertie et la routine administrative. Il croit en l’action.

En 2008, Yves Jégo, alors secrétaire d’État aux Outre-mer, le repère lors d’un voyage officiel à Mayotte et lui propose d’être son chef de cabinet à Paris. Ce qu’il accepte, sans s’y éterniser. Quelques mois plus tard, il devient directeur adjoint de cabinet du secrétaire général du ministère de l’Intérieur, Henri-Michel Comet, qu’il tient en haute estime. Il fait ensuite, en 2010, sa mobilité de préfet stagiaire, au sein du secteur privé, dans une plantation de bananes en Martinique, pour «apprendre à lire un bilan» et «connaître les ficelles de la gestion technique et humaine d’une entreprise de mécanique et de main-d’œuvre», dit-il. Il ne fera pas carrière dans ce monde qui dépend largement de la subvention européenne.

 

J’ai eu la chance d’avoir des chefs extraordinaires, des chefs mili­taires et de grands préfets

 

Retour dans le pur régalien en 2011, cette fois à la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises. Dans la ronde des postes qui se succèdent, on relève sa rencontre en 2014 avec le préfet d’Ille-et-Vilaine, un certain… Patrick Strzoda, dont il fut le secrétaire général à la préfecture. Suivra en 2016 un court passage à la préfecture de police de Paris, comme directeur de la police générale, sous l’autorité du préfet de police Michel Cadot.

«J’ai eu la chance d’avoir des chefs extraordinaires, des chefs militaires et de grands préfets»,

reconnaît-il. Et de citer encore quelques noms marquants, comme Bernadette Malgorn, qui fut la première femme secrétaire générale du ministère de l’Intérieur, ou Christophe Mirmand, actuel préfet de la région Sud.

Le 28 août 2017, Patrice Faure est titularisé comme préfet et nommé en Guyane. Il devient, en 2019, préfet du Morbihan, puis accède au poste délicat de haut-commissaire de la République à Nouméa. Il y organise le troisième référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, qui s’est soldé, le 12 décembre dernier, par un non «franc et massif», à plus de 96 %. Un sans-faute?

Rentré entre-temps en métropole, où il attendait à Beauvau sa promotion élyséenne, ce soldat de la préfectorale pose désormais son paquetage au sommet de la pyramide exécutive. Une maison aux codes byzantins qui n’a rien à voir avec tout ce qu’il a pu connaître. À son âge, il ne peut ignorer que son cabinet doit se tenir à l’écart du soufre qui a pu entourer autrefois le «château», sous Mitterrand notamment, quand la cellule élyséenne de Prouteau et Barril en avait fait le palais des coups tordus. Son éthique et son expérience sont ses meilleurs alliés.