PADRE_mémoire d’un aumonier militaire

« La joie de l’âme est dans l’action. » Cette phrase du maréchal Lyautey résume parfaitement le père Lallemand, tant le soldat, le prêtre et l’homme sont intimement mêlés. Cette personnalité hors du commun a consacré sa vie à ses frères d’armes. Voici son témoignage exceptionnel, empli d’espérance.

Né en 1937, dans une famille de tradition militaire qui sera marquée par l’Algérie, Yannick Lallemand entre au séminaire à 19 ans. C’est tout naturellement qu’il choisit d’exercer sa vocation au sein de l’armée. L’aumônier sera également parachutiste, chasseur alpin, légionnaire puis missionnaire. Il connaît les terrains de guerre, au Zaïre lors de l’opération Bonite à Kolwezi, au Tchad puis au Liban. En octobre 1983, à Beyrouth, il est aux premières loges de l’attentat du poste Drakkar, fatal à 58 parachutistes français. « Prêtre au coeur transpercé », il reste sur le site des jours et des nuits, parlant à ses jeunes camarades prisonniers des décombres.

Missionnaire au Tchad, il s’abandonne à la plénitude de sa vocation dans le plus grand dénuement, tel son modèle, Charles de Foucauld. Très aimé des soldats, la Légion étrangère fut la grande affaire de sa vie : « Je leur parle, sans jamais leur faire la morale. Je les écoute. Je réchauffe les âmes de ces gaillards, au point que certains disent qu’ils «iraient en enfer avec moi». Je préfère, de très loin, les emmener au ciel. »

https://www.brouillondeculture.fr/livre/9791021060029-padre-memoires-d-un-aumonier-militaire-yannick-lallemand-frederic-pons/

https://www.babelio.com/livres/Lallemand-Padre–Memoires-dun-aumonier-militaire/1726438

https://www.fnac.com/a20935553/Yannick-Lallemand-Padre

https://www.auchan.fr/padre-memoires-d-un-aumonier-militaire-lallemand-yannick/pr-25a3e95b-afe4-4aac-9a58-6ae93206e999#product-description-only

 

Nos remerciements à Frederic PONS pour l’annonce de la parution du livre du PADRE( dont la préface est rédigé par le CEMA), qui est sorti le 16 janvier 2025. En bonus, vous trouverez aussi les témoignages qui devaient être joints au livre. Pour info, le Padre sera l’invité d’enquête d’esprit(CNews) le samedi 27 janvier à 13H00.

PADRE / TEMOIGNAGES (par ordre alphabétique)

 

 

RICHARD CHARPENTIER, major. Lorrain, engagé en 1975 à 17 ans, 44 ans de service. Sert principalement au 2e REP, avec lequel il saute sur Kolwezi. Puis : 3e Etranger, 4e Etranger, Mayotte, 13e DBLE.

 

« Au début, le Padre était sur un piédestal. Vous comprenez, c’était la distance, le respect. Avec le temps, nous avons appris à connaitre sa bonté d’âme, sa disponibilité sans faille, son sens du service de l’autre. Il a toujours fait plus que son travail, pas pour lui-même, pour les autres. Et lors des messes, notamment pour les obsèques d’un légionnaire, gradé ou pas, lorsqu’il prend la parole, ce n’est plus lui, Yannick, qui parle. C’est son cœur, son amour et sa compassion de prêtre. Qu’il ait été choisi pour incarner « Monsieur Légionnaire » ce n’est pas anodin, car il a toujours été au service du légionnaire, sans jamais rien attendre en retour. C’est sa légitimité. Il est bien normal que la Légion l’ait remercié. Je ne vois pas qui on aurait pu mettre à la place de « Monsieur Légionnaire » sinon le Padre. On était fier pour lui. Son arrivée dans le silence nous a donné à tous la chair de poule. »

 

 

BRUNO DARY, général. Saint-Cyrien (1972-1974). Sert notamment au 2e REP (1976-1979), saute sur Kolwezi. Chef de corps du 2e REP (1994-1996), Commandant de la Légion étrangère (2004-2006), Gouverneur militaire de Paris (2007-2012). Président de la Saint-Cyrienne. Hommage prononcé à l’occasion du départ en retraite du Père Lallemand, en février 2018 (extraits).

 

« Tous, sans exception, seront à la fois tristes et heureux : tristes, car le Padre, que l’on croyait éternel ou presque, va se retirer ! Mais heureux d’avoir pu, un jour dans leur carrière, le croiser au cours d’une marche, d’une manœuvre, d’une opération, d’un saut, ou profiter de son apostolat pour un baptême, un mariage, une communion, des obsèques, des cérémonies officielles ou des rencontres familiales ; car Yannick Lallemand a passé son temps à donner, à écouter, à consoler, à apaiser, à expliquer et à être présent, même en silence, sans jamais rien demander en retour ! Tous ont été émus, car il était toujours là dans les moments difficiles ou dramatiques, quand la foi vacillait devant les drames humains et le doute s’installait face à l’absurdité des événements. Et les familles lui rendront grâce aussi, car il savait être au milieu d’elles pendant les heures heureuses, comme durant les moments difficiles, quand la séparation imposée par les OPEX s’éternisait, quand la maladie apparaissait, quand l’incertitude se transformait en anxiété, quand l’accident survenait ou la mort rôdait sur le foyer.

 

Etaient également présents, mais dans son cœur de soldat et de prêtre, les petits, les plus faibles, les sans-grade, ceux qui resteront inconnus dans l’aventure des hommes et dans l’histoire des nations, ceux à qui il a apporté la paix, loin du monde, des médias, du bruit et des paillettes, tous ceux qu’il a confessés et réconfortés dans un tête à tête sans témoin ; et puis aussi, ceux qui sont tombés au hasard d’un clair matin, ses compagnons morts pour la France en Algérie, à Kolwezi ou à Beyrouth, ceux qui l’ont quitté en chemin ; et enfin ceux qu’il a accompagnés à leur dernière demeure et à qui il a pu apporter ce réconfort que les hommes ne leur avaient pas donné et qui maintenant se réjouissent avec l’archange Michel ! Tous vont se réjouir,

 

 

car Yannick est resté avant tout un homme de Dieu, qui voit dans chacun et chacune, un frère et un enfant de Dieu, quelle que soit sa religion ou sa croyance. »

 

 

GILLES de LA BATIE, officier de réserve. Ingénieur, expert judiciaire, chef de bataillon de réserve, breveté ORSEM et IHEDN. Il est le frère d’Antoine, lieutenant mort pour la France dans l’attentat du Drakkar (Beyrouth, le 23 octobre 1983).

 

« En me le présentant, mon frère Antoine m’a en quelque sorte confié à lui, pour mieux vivre mon deuil et prendre soin avec lui des familles et des rescapés. Notre lien est aussi dans le sacrifice de notre frère ainé. Lui en Algérie, moi au Levant.

 

Nous partageons souvent de longs trajets en voiture, alternant confidences, prières et chapelets. Dire avec lui le chapelet c’est se connecter à une force incarnée en Dieu. Ses paroles jaillissent simples, fortes et si proches de notre quotidien. L’accompagner c’est aussi être le témoin des rencontres, de tous ceux qui se pressent pour le saluer, pour cueillir un peu de son énergie. Ses yeux brillent souvent de la joie de transmettre.

 

Le Padre reste attentif aux « petits », toujours à l’affut du légionnaire esseulé, de l’épouse d’un blessé, d’une maman dont l’enfant a donné sa vie pour la France. Rien n’est pour lui seul. Le Padre est donné aux autres. Devant Dieu, le Padre reste lui-même un seigneur devant le Seigneur. »

 

 

MICHEL DE PEYRET, aumônier militaire. Saint-Cyr en 2005. Démission en 2007 pour entrer dans les Ordres. Prêtre du diocèse de Paris, il rejoint l’aumônerie militaire et effectue trois Opex. Aumônier régional interarmées à Metz (zones Nord, Est et Allemagne), puis aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan (2009 à 2021), il sert au « Pôle Balard » (ministère des Armées et Etat-major des armées). Auteur du scénario de quatre BD, dont l’une consacrée à l’aumônerie militaire catholique (« Avec le Padre », éditions du Triomphe).

 

« Nous méritons toutes nos rencontres ». Longtemps, cette citation de François Mauriac utilisée par Serge Dalens dans « Le Bracelet de vermeil » m’a paru mystérieuse. Elle a peu à peu pris tout son sens. Eté 1983, en classe préparatoire au lycée militaire de Saint-Cyr l’Ecole, je sympathise avec notre officier supérieur adjoint, le capitaine Patrick Lallemand. En 1984, il fait venir son frère prêtre qui nous livre un témoignage poignant sur son engagement. Le courant passe immédiatement avec le Padre. Nul soupçon de vocation autre que militaire chez moi… mais le Padre se livre, me parle de son idéal d’aumônier, des pièges à éviter, entre ambition et soif d’argent. Les correspondances épistolaires vont être nombreuses.

 

Je suis à mon tour appelé par le Bon Dieu. Séminaire, les six premières années en paroisses… et les échanges de courrier continuent. Yannick guide mes premiers pas d’aumônier militaire. Nommé responsable des Zones de Défense Nord, Est et Allemagne, j’organise mes premières journées de rentrée : j’appelle Yannick à l’aide pour que mes jeunes aumôniers entendent le fruit de nos échanges.

 

Je suis l’un des rares prêtres à être convié à fêter, à ses côtés, son jubilé sacerdotal. J’ai l’honneur d’être invité par le 4e Etranger lorsque la remise de képis blancs est

 

 

organisée chez le Padre. Il me fait la joie de se joindre à nous chaque année pour le Triomphe des Ecoles de Saint-Cyr. La citation de Mauriac reprise par Dalens se poursuit ainsi : « Elles (nos rencontres) sont attachées à notre destinée et ont une signification qu’il nous appartient de déchiffrer. » Cela ne m’est guère difficile en ce qui concerne « notre » Yannick. »

 

 

PHILIPPE FONTAINE, adjudant-chef. Venu de La Réunion, engagé en 1986, 38 ans de service. Sert principalement au 2e REP, 2e Etranger, 1er Etranger.

 

« Chez nous, on dit qu’on a le « Père Légion », le général commandant la Légion étrangère. Pour moi, le Père Lallemand est le « Dieu Légion ». Dans la Légion, nous avons des points de repère : notre histoire et nos traditions, nos chefs, nos aînés et nos héros. Le Padre est un de nos points de repère. En trente-huit ans de carrière, j’ai côtoyé beaucoup d’aumôniers. Le Padre, on ne le côtoie pas. On vit avec lui. Il est partout, près des hommes, de façon naturelle. Il fait tout, de grand cœur. C’est son cœur qui parle, en tête à tête avec les soldats, ou dans ses homélies. Quand on voit le Padre, on a l’impression qu’il fait partie de notre vie. C’est pour tout cela que j’ai souhaité qu’il célèbre mon mariage, en mars 2010, puis qu’il baptise mes deux fils, Nicolas et Alexandre.

 

Il a vécu comme nous, si humblement, alors qu’il a un tempérament fort et qu’il mérite tellement d’admiration. Il a été le baroudeur de toutes les époques, un compagnon de pistes. Ce que j’ai vécu, l’assaut d’un poste ennemi, la peur, la mort, le Padre l’a vécu. Ce docteur de l’âme et du cœur a été partout avec nous, pour veiller sur nous, panser nos plaies, rassurer, encourager, réconforter, toujours prêt à partager le contenu de son « sac-miracle ». Je me demande où il puise cette force morale qui le rend si naturellement souriant. Mais qui le réconforte, lui ? Dieu bien sûr… »

 

 

JOSE DINIS GUEDES, caporal-chef. Venu du Portugal, engagé en 1984. Sert principalement au 2e REP, à la 13e DBLE, au 1er Etranger, au 5e Etranger et à l’Institution des invalides de la Légion (Puyloubier).

 

« Le Père Lallemand est un mythe, un monument, l’aumônier ou le légionnaire le plus connu de l’armée française. Et c’est ce mythe qui m’a choisi comme accompagnant, le 30 avril 2023 ! Depuis que je sers à la Légion, j’ai vu tout ce qu’il a fait pour l’autre, quelle que soit sa religion, avec une si grande humilité, à l’instruction, en exercice ou en opérations. On lui doit tous quelque chose.

 

Ce jour de Camerone 2023 a été le plus émouvant pour moi. Le voir s’avancer seul, portant la main du capitaine Danjou, récompensé après tout ce qu’il a fait pour les légionnaires, m’a profondément ému. Oui, j’ai pleuré. Je veux partir avant lui car je sais que l’Eglise a plus besoin de lui que la Légion de moi. J’espère qu’il aura droit à des obsèques nationales : ce sera un hommage au serviteur des hommes et au porte-parole de Dieu. »

 

 

MAYLISS LARDET, mère de famille. Epouse du général Alain Lardet, commandant de la Légion étrangère (2020 – 2023), ancien chef de corps du 3e REI

 

 

en Guyane (2011 – 2013), elle a publié en 2023 « Femmes vaillantes. Les sentinelles des légionnaires » (Editions d’un autre ailleurs).

 

« J’avais rencontré le père Lallemand lorsque j’étais enfant et, à 10 ans déjà, j’avais été marquée de la joie qui régnait dans sa paroisse. Quinze ans plus tard, nous retrouvons le Padre, aumônier de l’EAI. J’accouche très prématurément d’un petit Louis. Le Padre prend soin de notre famille et m’apporte la communion à l’hôpital. Je ne peux oublier sa délicatesse lorsqu’il s’échappait de ma chambre en disant : « Je vous laisse avec le Bon Dieu ».

 

Il est toujours là pour nous, au moment où nous en avons besoin. Un soir de découragement, je parviens à joindre mon mari sur le terrain et lui partage un souci. Il rencontre alors le Padre qui lui propose, avec sa clairvoyance discrète, de participer à la messe qu’il s’apprête à célébrer. Et tout s’arrange…

 

A Kourou, nous avons la joie d’avoir la visite du Padre qui donne de son temps aussi bien pour les légionnaires que pour leurs familles. Il tient à rencontrer les enfants du catéchisme et je suis touchée par son attention à chacun et son charisme pour s’adresser aux plus petits. En tant qu’épouse de chef de corps, je reçois beaucoup de confidences des femmes de légionnaires qui me formulent combien le Padre les a aidées. Elles tiennent à ce que ce soit lui qui baptise leurs enfants.

 

Nous avons la chance de passer du temps avec le Padre qui prépare Camerone 2023. Les témoignages de reconnaissance fusent. Ce qui a marqué, c’est son humilité, sa paternité et sa disponibilité. J’ai alors le projet d’écrire un livre pour rendre hommage aux femmes de légionnaires. Le Padre m’encourage et m’assure de ses prières. J’avais pris la meilleure des assurances… »

 

 

JEAN MAURIN, général. Saint-Cyrien (1979-1981), chef de corps de la 13e DBLE (2000-2002), attaché de défense à Moscou (2009-2012), commandant de la Légion étrangère (2014-2018). Hommage rendu le 15 février 2018, à Aubagne (extraits).

 

« Au revoir, Padre, notre Padre. […] 60 ans au service de la France, 55 ans au service de l’Eglise, 23 ans au service de la Légion. Soldat et prêtre. Padre, vous êtes un homme de courage et un homme de foi, qui avez mis en pratique chaque jour cette citation du curé d’Ars, qu’aimait tant rappeler le Père Hirlemann, au point qu’il la fit graver dans l’église de Puyloubier : « On n’a rien fait tant qu’on n’a pas tout donné. »

 

Il est difficile de dissocier chez vous le soldat du prêtre, tant dans votre vie les vertus de l’un se sont nourries de celles de l’autre. C’est d’ailleurs ce qu’écrivit si bien l’un de vos chefs de corps, recevant un jour la redoutable mission de vous noter, et qui trouva cette phrase salvatrice, mais sonnant ô combien juste : « La sainteté est entrée dans la Légion. » […] Vous êtes celui « qui ne parle pas comme les autres » disent les légionnaires. C’est vrai, l’aumônier ne donne pas d’ordre, mais vous êtes là, dans l’épreuve, dans la difficulté ou dans la solitude de ces légionnaires qui vous adoptent déjà comme l’un des leurs. […]

 

La communauté légionnaire souhaite vous exprimer sa reconnaissance d’une manière toute particulière : vous élever à l’honorariat. Vous ne rejoignez pas le millier de légionnaires de 1re classe d’honneur, ni la centaine de caporaux d’honneur, mais la dizaine de légionnaires d’honneur que compte dans son histoire la Légion étrangère, car comme le dit l’Ecriture « celui qui veut être le plus grand, qu’il se fasse serviteur

 

 

des autres ». Vous avez été le serviteur de Monsieur légionnaire. Il vous dit merci, légionnaire Lallemand. »

 

 

BERNARD PREVOST, préfet, ambassadeur. Saint-Cyrien (1963-1965), sert au 2e REP (1969-1975). Intègre le corps préfectoral en 1978. Directeur de l’Administration pénitentiaire (1993-1995) puis de la Gendarmerie nationale (1995-1999), préfet de région, ambassadeur de France en République démocratique du Congo (2006-2008). Président de la Fondation Apprentis d’Auteuil (2009-2018).

 

« C’est au 2°REP en 1975, où je commandais la 3e compagnie, que j’ai fait la connaissance du Padre. D’emblée, j’ai été frappé par son engagement total de prêtre et de soldat au service de tous. Il vivait avec les légionnaires sur le terrain de jour comme de nuit. Il disait : « Je saute en parachute avec les légionnaires et je prie pour eux en sautant. » Les légionnaires lui faisaient une confiance totale et sentaient en lui un homme de Dieu, plein d’écoute, de tendresse et de vérité. Nous sommes devenus amis. Dans les années 90, nous nous sommes retrouvés dans l’Aude où aumônier du 4e Etranger à Castelnaudary, il aimait se rendre à la Communauté de l’Agneau toute proche, dans laquelle je suis engagé comme laïc. Il trouvait là un lieu de retraite auprès de cette communauté mendiante, qui lui rappelait ses années de missionnaire dans le désert tchadien.

 

Nos chemins se sont encore croisés, lorsque je présidais la Fondation Apprentis d’Auteuil. Nous avions demandé au Padre de venir témoigner devant nos jeunes lors d’un pèlerinage à Lourdes. Stupeur de jeunes élèves musulmanes qui découvrirent qu’en tant qu’aumônier militaire en opération, il ne portait pas d’arme et qu’il soignait les soldats amis comme les ennemis.

 

Ce furent aussi le jubilé de ses cinquante ans de prêtrise dans son fief familial du Poitou, les retrouvailles des anciens chefs de corps du 2e REP, ou la célébration d’une messe d’action de grâce à l’Ile-Bouchard à l’occasion de mes cinquante ans de mariage. Chaque fois, on retrouve avec joie le Père Lallemand qui nous impressionne par sa vie intérieure qui irradie de son amour de Dieu, de la France et de ses légionnaires. »

 

 

BRUNO RACOUCHOT, chef d’entreprise. Sous-lieutenant « para colo » à Beyrouth (1983-1984), DEA de Relations internationales et Défense (Paris-Sorbonne), professeur associé à l’Ecole de guerre économique, chef d’entreprise vivant au Brésil, il dirige la lettre « Communication & Influence ».

 

« Homme d’action, de réflexion et de méditation, Yannick Lallemand possède la faculté rare de combiner ces différentes facettes. Son paraître est en symbiose avec ce que l’on devine de son soi intime. Le Padre a le don « extra-ordinaire » – hors du commun – de savoir adapter sa parole à ceux auxquels il s’adresse, tout en conservant la force intérieure qui fait sa puissance et sa générosité – son « être-au-monde », pour paraphraser Heidegger. Athée, monothéiste ou polythéiste, celui qui l’entend l’écoute d’abord avec son cœur. Sa parole s’adresse à ce que nous avons de plus profond en nous. Cette richesse intérieure, il la déverse avec générosité.

 

Après l’attentat du Drakkar, il va de poste en poste rencontrer ses « chers paras », sans distinction de grade, avec cette simplicité qui rend les choses belles. Nul

 

 

prosélytisme dans sa démarche. Il connaît trop la complexité du cœur des soldats pour savoir que ces derniers espèrent surtout une écoute et un réconfort dans les moments de douleur et, pis encore, d’incertitude. Lecteur de l’Iliade comme des Néoplatoniciens, je garde de Yannick la perception d’un sage, irradiant sa force, sa bonté et son intelligence pour les hommes au combat. Chrétien, Yannick l’est assurément. Pour des yeux avertis, il apparaît aussi comme un reflet de Plotin ou de Sâkyamuni. Il échappe aux classifications. Mais n’est-ce pas là, in fine, le propre de ceux qui dressent des ponts entre l’humain et le divin ? Au combat, dans la peur, la souffrance ou le doute, cette dimension est un paramètre-clé de notre aptitude à affronter les défis. »

 

 

PAUL SARR, adjudant. Venu du Sénégal, engagé en 2003, 21 ans de service, principalement au 2e REI et au 1er Etranger. Champion de judo (3e dan) et de lutte gréco-romaine.

 

« Jeune légionnaire en formation au 4e Etranger, je m’interroge : qui est cet homme en uniforme et sans arme, ce monsieur déjà âgé, qui vient parler à tous les hommes, avec amour et respect ? Dès le premier contact, j’ai senti sa chaleur, son naturel. A l’instruction, les instructeurs n’étaient pas tendres. Quand on le voyait, ses paroles nous soulageaient. Il nous redonnait du courage. Il nous poussait pour aller de l’avant et il aidait aussi financièrement certains. Lors de notre marche des képis blancs, assez éprouvante, il était là pour encourager les jeunes. Se souvenant de chacun, il nous demandait ce dont on avait besoin. Comment un homme peut-il ainsi être aussi fraternel et accueillant avec quelqu’un qu’il ne connait pas ? En pensant au Padre, me revient cette citation de Rudyard Kipling dans son poème adressé à son fils en 1910, « Tu seras un homme, mon fils » : « Si tu peux rester peuple en conseillant les rois / Et si tu peux aimer tous tes amis en frère /Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi… »

 

Six ans après mon entrée dans la Légion, je lui demandais de célébrer mon mariage. Ensuite, il a baptisé mes trois enfants. Quand il parle à la messe, il le fait avec ce que la vie lui a donné, avec son expérience. Cela change tout. A Aubagne ou ailleurs, tout le monde se bousculait pour lui parler. Des cinq étoiles lui couraient après pour le saluer et il fendait la foule pour venir vers moi ou d’autres légionnaires. »

 

 

DIEGO TAPIA, capitaine. Venu d’Argentine, engagé en 2004, vingt ans de service. Breveté « commando montagne. » Principales affectations : 2e REG, 4e Etranger.

 

« J’ai connu le Padre à Castelnaudary. Son premier conseil fut celui-ci : « Tu dois aimer tes hommes ». Ces mots disent tout sur lui. Je n’ai jamais vu quelqu’un aussi généreux, aidant financièrement les uns et les autres, offrant son temps à tous. Son écoute de l’autre, quel que soit son grade, « sa nationalité, sa race ou sa religion », comme le dit le code d’honneur du légionnaire, m’a toujours étonné. Lors du baptême de mon fils dans un petit village perdu d’Auvergne, il avait parlé avec les gens du village, marquant les esprits. Les gens me parlent toujours de lui et me demandent quand il reviendra. Ensuite, le Padre leur a envoyé un mot de remerciement, un geste rare de nos jours.

 

Sa façon de vivre, très austère, m’a toujours étonné. C’est ainsi qu’il a vécu au Tchad pendant dix ans, en économisant sur tout. Grâce à lui et à sa famille, j’ai pu découvrir

 

 

la France profonde, dont il nous a transmis son amour. Lors d’une marche « Képi blanc » dans sa région, lui et ses frères nous avaient fait voir des lieux magnifiques, avec un accueil extraordinaire de leurs familles. Tous les légionnaires s’en souviennent encore.

 

J’appelle Yannick une fois par semaine. Je lui donne des nouvelles des légionnaires, des activités. Il me pose des questions sur tous, se rappelant de chacun. Un de ses beaux souvenirs est sa remise de l’étoile d’éclaireur skieur par le chef de corps du 2e REG, le colonel Emmanuel Combe, que le Padre avait marié quand il était jeune lieutenant.

 

Deux phrases le définissent bien : « La joie de l’âme est dans l’action », (maréchal Lyautey) et « Mon Père, je m’abandonne à toi » (Père de Foucauld). C’est vrai qu’il s’oublie complètement. Pour lui, les autres passent d’abord. Le Padre est un « saint », comme lui disent certains légionnaires sous forme de blague, ce à quoi il répond en riant : « Espèces de canailles ». Yannick est un deuxième père, celui qui me conseille, qui m’écoute, qui me gronde, toujours là pour me guider. Je l’aime comme un père. »

 

 

CYRILLE YOUCHTCHENKO, général. Saint-Cyrien (1989-1992). Commandant de la Légion étrangère depuis 2023. Principales affectations : 92e RI, 4e Etranger, EAI, 2e Etranger. A commandé la 13e DBLE (2010-2011).

 

« Quand j’arrive à la Légion, le Padre est au Tchad. Bien sûr, j’ai déjà entendu parler de lui, notamment à l’occasion de Kolwezi. J’avais dix ans mais cette opération entrait déjà dans la légende de la Légion. La première fois que je le croise, c’est lors d’une manœuvre dans le Gers. Le Padre avait sauté avec les hommes et il m’avait laissé une petite figurine. Ensuite, par les relations amicales ou familiales nos routes se croisèrent. Patrick, un de ses frères, était professeur au lycée de Saint-Cyr l’Ecole. C’est lui qui m’apprendra l’existence d’une voie littéraire pour l’Académie de Saint-Cyr, alors que je m’échignais, non sans difficulté, sur la voie scientifique.

 

A Saint-Cyr, mon patron était Benoît Puga, aîné prestigieux, lui aussi lieutenant à Kolwezi, futur patron du REP et des Forces spéciales. A l’époque, dans ma cosmogonie personnelle, Puga était un demi-dieu, le Padre un ange. »